Les stubs de Picardie

Le cimetière chinois de Noyelles-sur-Mer sis au sortir du hameau de Nolette est l’aboutissement d’un épisode insolite et pitoyable de la Grande Guerre. En décembre 1916, à la suite d’un accord diplomatique entre la France et la Chine, plusieurs milliers de travailleurs chinois débarquent en gare de Noyelles, hébétés et épuisés après un interminable voyage à bord de vieux cargos. Ils ont été amenés pour libérer les Anglais des travaux d’entretien des voies d’accès au front. Vêtus de bleus de chauffe et de vestes en coton matelassé, coiffés de bonnets à oreillettes de fourrure, munis d’outils et accessoires où le bambou domine, ces hommes sont parqués au camp de transit de Nolette où ils vivent dans des conditions lamentables en baraquements, voire hôpital ou même asile car la maladie et même la folie frappent ces êtres fragilisés. Se déplaçant exclusivement sous la conduite d’Anglais munis de gourdins, ils ont pour mission de décharger des trains en gare de Noyelles ; ils soignent les chevaux de la cavalerie anglaise, évacuent crottin et fumier, s’occupent du bon état des routes.

Suscitant la curiosité mais aussi curieux de tout, ils sont des proies faciles à exploiter. Parqués une nuit lors de l’explosion d’un dépôt de munitions, nombreux furent ceux que l’on retrouva morts ou mourants dans les bois avoisinants après qu’ils eurent arraché les barbelés du camp pour fuir. Quelques mois plus tard, c’est la grippe espagnole qui fait des ravages…Il reste aujourd’hui 850 stèles de pierre à Nolette pour témoigner de la venue de ces hommes qui ne comprirent sans doute jamais quel destin les envoya si loin de chez eux pour souffrir et mourir. (Extrait du livre « le Pays de Somme » Claire Guillermain et Michel Curie). (Photo : Pierre Couillard)